vendredi, 17 juin 2011
Haters are gonna hate : de la critique sur Internet
L'année arrive bientôt à sa fin, et s'il y a bien une chose que j'espère vous avoir transmise, c'est que les commentaires sont la chlamydiae de l'Internet (je laisse d'ailleurs les commentaires de ce blog ouverts dans un simple but de démonstration pédagogique). Certes les spams, les tordus et les bécassines sont les premiers à saccager les articles, mais il faut au moins leur reconnaître une qualité : ils ne sont pas malveillants. La pire espèce est la critique qui se veut intelligente, bien-pensée et/ou subversive, mais qui s'avère être un magma d'animosité croupie. Que cache-t-elle? Comment lutter contre ce fléau?

§1 - La critique comme instrument de pouvoir
Ne nous méprenons pas : moi-même, si je payais une connexion internet (je suis actuellement connecté au wifi des Amis de la Mimolette), j’essaierais de rentabiliser chaque denier en déposant ma petite crotte partout. Cela me semble légitime. Donner son avis n'est pas répréhensible en soi, bien que peu d'avis soient réellement transcendants. Là où la critique va poser problème, c'est quand elle sera violente et qu'elle n'apportera qu'une sale ambiance.
A - La mauvaise critique pour les nuls
En règle générale, la mauvaise critique est facile à appréhender. Voici néanmoins une liste d'exemples pour apprendre à les dénicher plus rapidement :
La critique postillon : "Put1 C koi cet merde sérieux????". Une critique convaincante, forte en argumentation.
La critique suicidaire : "Va te pendre, t'es trop cave". Véritable hymne à la tolérance, la critique suicidaire se trouve en majorité sur les sites de partage de vidéos (YouTube, Dailymotion...)

Un bon conseille pour voir de beaux spécimens de haters : n'importe quelle vidéo d'Amandine du 38.
La critique logique : "Franchement si c'est pour écrire ça, c'est pas la peine". Ah? Ah ben d'accord (ne pas hésiter à enchaîner à votre tour les réponses insipides).
La critique qui se lit d'une traite : "Nul". Okay.
La critique personnelle : "Salut Natacha. Tes propos m'étonnent un peu étant donné ton comportement plus que limite au pot de départ de Bertrand en 2005". La proximité, cette merveilleuse rhétorique.
La critique qui en dit long : « Alors comme ça tu aimes le chorizo? Bien bien bien ». Enfin! Quelqu’un qui ose se mouiller et qui n’a pas peur de prendre parti!
La critique de roublard : « ambiguë, pas ambigüe ». OUCH ! Ca appuie où ça fait mal, pas vrai?
On compte aussi le célèbre Point Godwin et autres sophismes parmi les critiques délirantes.
B - De la nécessité du mème "Haters Are Gonna Hate"

"Haters are gonna hate" est une maxime qui signifie littéralement : "les haineux vont haïr". Notre équivalent français serait sûrement : "quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage".
Le hater n'est pas une personne envieuse, ni motivée par la jalousie. Elle pourrait être décrite comme une sorte de rabat-joie maléfique. Dans ces conditions, quelle est la meilleure réaction à envisager? Lui répondre, sachant que même si votre répartie est irréprochable, vous ne pourrez pas gagner? Pleurer un bon coup? Soyons sérieux.
Non, la meilleure chose à faire est de s'en moquer éperdument, et continuer son bonhomme de chemin. Être libre. En ce jour particulier pour les bacheliers, citons Epictète : "[...] il y a été et hiver, fécondité et stérilité, vertu et vice, et tous les couples de contraires qui servent à l'harmonie de l'univers" (Entretiens, livre I, XII, 8-16, dans Les Stoïciens, La Pléiade, éd. Gallimard). Ce que Nana Mouskouri a traduit quelques siècles plus tard par "Il faut de tout pour faire un monde".
§2 - Anatomie d'une bonne critique
Plusieurs commandements à suivre pour faire une critique digne d'intérêt :
1) Vérifiez les conditions dans lesquelles vous écrivez le commentaire. Êtes-vous atteint d'un eczéma purulent qui vous empêche de dormir? Avez-vous faim? Souffrez-vous globalement de frustration en ce moment?
2) Demandez-vous si votre critique fait avancer le schmilblick. Va-t-elle amener un débat d'idées? Avez-vous argumenté ou donné un simple ressenti?
3) Privilégiez toujours l'humour. Une critique faite avec humour aura plus de chances d'être entendue. Si vous n'êtes pas drôle, abstenez-vous.
4) Critiquez si vous savez de quoi vous parlez, si c’est votre métier ou que vous avez de solides connaissances dans le domaine. Inutile de venir étaler une pseudo-science sur le sujet simplement parce que c'est ce que vous pensez être juste. Les gens ont assez de problèmes comme ça.
Sans oublier les remarques de bon sens : évitez les poncifs, les répétitions, le langage SMS, les insultes et le hors-sujet. Tout devrait alors bien se passer.
10:28 Publié dans Théorie de l'Internet | Lien permanent | Commentaires (62) | |
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jeudi, 09 juin 2011
Echantillon des meilleures pages Reddit du monde
Le cours d'aujourd'hui vous sera utile dans les cas suivants: si vous n'avez pas ri depuis 1994, si vous êtes un écrivain en panne d'inspiration, si vous avez perdu votre foi en l'être humain ou tout simplement si vous en avez assez de tomber sur des vidéos scatophiles sur Internet. Matière pré-requise : anglais avancé pour 3 pages Reddit sur 5.



11:56 Publié dans Introduction à l'Internet | Lien permanent | Commentaires (7) | |
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vendredi, 03 juin 2011
Spider-Man est-il le nouveau Pedobear?
En avril dernier, un nouveau mème a fait une apparition remarquée dans cette fabuleuse nation qu’est Internet : Spider-Man, l’homme infréquentable. Ledit mème consiste en plusieurs captures d’écran d’une vieille adaptation télévisée du comic de Stan Lee (diffusée à la fin des années 60 sur les petits écrans d’Amérique du Nord) sur lequel est retranscrit le monologue interne du grand Spidey. Entre sale gosse et idole des jeunes, Spider-Man est en passe de devenir le nouveau Pedobear. Pourquoi et comment une telle chose a-t-elle pu arriver?

Vous ne pouvez pas faire ça. Pedobear m'a incité à le faire.
RAPPEL DES FAITS : Pedobear est un mème visuel (i.e. un élément culturel récurrent et reconnaissable par une communauté) né sur le forum 4chan et qui représente un ourson pédophile et pervers. Loin de faire l'apologie de la pédophilie (c'est même plutôt l'inverse), Pedobear est un personnage humoristique, peut-être le plus connu d'Internet. Pour en savoir plus sur Pedobear (EN)(FR).
§ 1 - La transgression de la figure du superhéros
Ah! Voilà un début de réponse.
A - La déchéance et la dépravation, objets de fascination
L'attrait humain pour la déchéance n'est plus à prouver: dès que les stars du cinéma (Charlie Sheen) ou de la politique (Dominique Strauss-Kahn) vivent dans la débauche, la plèbe ne tarde pas à sortir les fouets. Rien n'est plus jouissif pour le spectateur que de voir les grands de ce monde tomber de leur piédestal. Il y a sans conteste une part de sadisme dans le processus, mais aussi une part d'amour qui subsiste malgré tout ("qui aime bien châtie bien"). Car si l'immoralité plait tout autant qu'elle offusque, c'est aussi parce qu'elle est infiniment drôle.
Mais quand même l'égérie Chanel en arrive à prendre des photos de ses tétons, qui peut bien encore nous choquer? Qui peut bien encore nous divertir? Seul le superhéros, figure irréprochable et inattaquable par excellence, peut jouer les remplaçants. Spider-Man est la dernière personne qui peut être ridiculisée: il se retrouve alors libidineux, outrancier, immature et stupide.
B- Exemples

Maintenant, on attend les nichons...

C'est ça, cochonne, bouge ces fesses pour Spidey

Je me demande pourquoi mon oreiller a une érection

Comme un chef
§ 2 - La relève de l'humour noir
Mais le but est-il simplement de salir la réputation Spidey?
A - Le déclin de la popularité de Pedobear

J'aime la tournure des événements
Bien qu'ultra-populaire sur Internet, Pedobear a toujours été sujet à controverses (la principale étant la fameuse question: "peut-on rire de tout?"). Comment différencier humour noir et réelle perversion? Et si Pedobear devenait un symbole, un objet de reconnaissance, pour les pédophiles? Ce qui n'était qu'une blague potache entre initiés a pris trop d'ampleur.
Qu'il fusse victime du politiquement correct, de la lassitude ou d'un malaise sincère de la part de certains internautes, le succès de Pedobear a tendance à s'estomper au fil du temps. La plupart des gens restent attachés au personnage de la même façon qu'ils restent attachés aux chemises bûcherons des années 90. Parfois, dans un élan de nostalgie, ils continuent à en porter. Sans pour autant en faire leur fringue de prédilection.
Au moins, Spider-Man met tout le monde d'accord : il est clairement second degré.
B - Spidey, un mème plus accessible
Le problème de Pedobear - outre le fait qu'il soit vicieux comme une vieille à la caisse du Super U - c'est qu'il ne s'imposait pas à la connaissance du premier mortel venu. Pour comprendre qui il était (et donc rire de lui) il fallait faire quelques recherches ou faire partie d'un groupe d'amis qui eux-mêmes savaient ce qu'il représentait. L'image de Pedobear n'était pas facile à appréhender.
Spider-Man, lui, a dépassé le problème: tout le monde - sur et hors sphère d'Internet - le connait. Son côté justicier tranche avec les sous-titres graveleux. Autrement dit, l'humour est moins complexe et plus fédérateur. Ainsi, Spider-Man peut flirter avec d'autres éléments de la pop culture.

Un jour comme les autres... oh, attendez! Est-ce que c'est Ron Weasley?
Car sur Internet aussi, plus on est de fous, plus on rit.
15:23 Publié dans Bases de la didactique du lol | Lien permanent | Commentaires (11) | |
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